J1 – Au mouillage de Valley gran rey de la Gomeira depuis 3 jours, nous décidons de partir lundi matin après le petit déjeuner. Les conditions ne sont pas parfaites, mais le sont-elles vraiment un jour ? La fenêtre nous semble acceptable et nous ne savons pas quand il y en aura d’autres alors nous la saisissons.

Nous avons fait d’énormes courses à Tenerife, de sec principalement, pour subvenir aux deux prochains mois. Ainsi, nous serons parés jusqu’aux Antilles, car les courses au Cap-Vert sont compliquées.

Nous avons cuisiné comme d’habitude, je me suis occupée des pains, Christophe des conserves, et nos équipiers de cuire des légumes et viandes, dans des bocaux au réfrigérateur afin de faire des assemblages sur le moment en cuisant des féculents. C’est une option qui nous convient bien.

La veille au soir de partir, catastrophe, une odeur très désagréable se dégage des coffres où nous stockons nos conserves. Certains capuchons n’adhèrent plus et un tiers des pots est à jeter. Grosse déception de l’équipage, déçu de devoir passer notre journée de cuisine par-dessus bord.

Nous avons certainement trop rempli les pots ou pas laissé refroidir assez avant d’ouvrir les couvercles. Nous apprenons de nos erreurs et gardons le positif : heureusement que nous n’avons pas dû faire cela en navigation !!! Avec cette odeur le mal de mer aurait eu raison de nous !!

9H nous larguons les amarres après avoir dit au revoir à nos copains de bateau partis 30 minutes plus tôt.

La journée commence par de la houle hachée dans tous les sens et au moteur. Le combo idéal pour le mal de mer. Nous voyons des globicéphales (merci nos followers sur instagram !). Les enfants deviennent rapidement nauséeux, l’appétit se perd, et vomiront chacun leur tour au moins une fois jusqu’au soir.
J’essaie de tenir le coup et de préparer des crêpes pour remonter les troupes. Un petit pincement au ventre de me dire que nous sommes partis pour 6 jours. Est-ce que ça va aller ? Est-ce qu’on va gérer ? Allons-nous tous être malades ?

18h nous décidons d’éteindre le moteur pour le diner et nous ne le rallumerons plus. Le vent semble installé et le bateau file tranquillement à 4/5 nœuds.

La nuit tombe et c’est bientôt mon quart. J’en suis à ma 10ème sieste… Tout le monde part se coucher, il est 21H15, je dois tenir mon quart jusqu’à minuit. Bien sûr le capitaine a décidé de changer d’heure pour ce premier jour, donc, en fait jusqu’à 1H du matin…. Et il me dirait « de quelle heure ? » 😉

Nous apercevons un voilier tout prêt de nous, il n’est pas sur l’AIS, il croisera notre route par l’avant, comme un petit rappel de rester bien en veille.

Justine et Thomas se partageront le quart de minuit à 5h et Christophe prendra le relais ensuite.

J’ai hâte d’être à demain, en espérant que les conditions soient meilleures, ou que nous nous soyons habitué ?!

J2 – Je me lève fatiguée, la nuit a été quasi nulle. Petit Soren a dormi avec nous, le bateau bouge beaucoup. L’idéal est de dormir sur le ventre pour ne pas trop subir les mouvements, mais cette position ne me convient pas… Alors je ne m’endors pas !

J’attends que Christophe prenne son quart à 5h, en espérant avoir plus de place dans le lit. Mais je n’y arrive pas. Je me lève de mauvaise humeur J

Ce sera une journée repos. J’accepte. Même si j’avais prévu plein de choses à faire et lire pendant cette navigation. Les enfants vont mieux et s’adaptent!.

Tout commence à s’organiser. Chris et moi prenons en charge le repas du midi et nos équipiers celui du soir.

Les enfants passent une grande partie de la journée à regarder les photos et films de quand ils étaient petits (plus petits encore ;)). Nous prenons bien plaisir à revoir tous ces souvenirs aussi. Le temps semble suspendu.

L’après-midi je me motive à faire des cookies. C’est dingue comment tout prend plus de temps à bord. Je prends le temps de faire chaque geste en prévoyant les risques de chute !

Nous essayons d’appeler plusieurs fois les bateaux copains par VHF mais pas de réponse L Nous n’avons pas encore bien compris le truc je crois ! Ah ? Nous entendons un bateau communiquer avec un bateau copain, et c’est ainsi que nous avons quelques nouvelles bien que nous entendions qu’une seule partie de la conversation !

Le soleil se couche très tôt, 18h. Nous dinons dehors. Puis c’est film dans le carré.

Les conditions sont toujours les mêmes, on s’arrange pour garder vent arrière légèrement de côté, entre 10 et 20 nœuds de vent. La houle est pour moi toujours saccadée, mais plus calme ce soir, ou bien je m’habitue ?

J’entends à la VHF des personnes qui parlent arabe je pense, un monologue long et monotone, c’est assez flippant. Nous longeons les côtes de la Mauritanie. Je ne me sens plus en « sécurité » comme en Europe.

Ce soir je reprendrais mes gélules d’huile essentielles Serenity pour apaiser ma nuit.

J3 – Meilleure nuit. Soren a définitivement décidé de rester dans notre lit pour cette traversée. Finalement je profite de ces dernières nuits avec son petit corps collé contre le mien. Avoir regardé les films de ces dernières années m’a rendu tellement nostalgique. Quelle chance j’ai d’avoir vécu tous ces beaux moments…

Je ne me rends pas assez compte du bonheur et de la chance que j’ai, puis en regardant ces moments quelques années plus tard, je prends la dimension et ressens une telle gratitude ! Quelle chance de pouvoir garder une trace de ces instants…

Christophe a préparé les tartines, je me réveille avec cette odeur de pain grillé que j’aime tant, et mon bébé endormis tout proche.

Le bateau a bien filé toute la nuit, avec une moyenne de 6,5 nœuds.

Nous passons la matinée à lire, regarder les vagues, somnoler… Nous arrivons enfin à échanger avec le bateau copain Paoloup par VHF. Bonne nouvelle, ils vont peut-être se diriger vers Sal avec nous J Nous cuisinons des lasagnes au légumes. Grosse sieste l’après-midi pour tout le monde, puis rechill l’après-midi pendant que les enfants se refont une sessions revival photos / films. Justine et Thomas cuisinent un excellent couscous pour le soir, on ne se laisse pas abattre, et je crois que tout le monde va mieux !

A 19h, commence la soirée cinéma tous dans le carré. Christophe fait régulièrement des allers et retours dehors pour sa veille.

21h30 je prends mon quart, un peu plus tard que d’habitude, signe que tout le monde va mieux J D’ailleurs Soren n’est pas du tout fatigué, à 22H30, il est toujours avec moi et doudou, couché près de la table à carte avec son lunii et ses histoires de pompier. Et vous savez quoi ? Je savoure, il n’y a pas école demain, pas d’heure de levé, rien à faire à part regarder les vagues. Alors nous restons tous les deux dans la pénombre. Nous aurons le temps de dormir J

Depuis 2 nuits le vent a une odeur particulière, un mélange de plantes, pollen, une odeur de nature, terre qui vient de bâbord, de la Mauritanie ?

J4 – Le jour se lève et tout le monde va bien mieux. Nous commençons à avoir notre routine, une vraie routine, presque un peu monotone. C’est quand même long non ? Les journées se ressemblent tellement, seuls les plats changent ! Quel challenge ces traversées, je ne m’attendais pas à vivre une telle expérience. C’est difficile de trouver les mots pour vous décrire cet espace hors du temps, cette envie d’arriver, voir enfin la terre, mélangée au bonheur d’être sur la mer, loin de tout, sans aucune sollicitation extérieure, et, au fond, l’envie d’y rester.

Ce matin je propose à Ava d’aller lire avec moi sur l’avant du bateau, au soleil, pour recharger nos vitamines J

Je la sens triste, elle finit par beaucoup pleurer, confier ses peurs, son envie de retrouver une maison « normale », de ne plus vivre sur un bateau, sa lassitude d’être nauséeuse, et son cafard à l’idée de traverser l’atlantique et le pacifique. Elle me confie aussi ne pas vouloir grandir, vouloir rester toujours près de moi, et « quand tu vas mourir ? ». Elle a 6 ans et commence à se poser beaucoup de questions…

Revoir tous ces films et ces photos lui donne la notion du temps qui passe, ravive de beaux souvenirs et forcement elle se sent dans le dur aujourd’hui. Mais elle oublie les pleurs de la séparation à l’école et crèche chaque matin et bien d’autres choses… Je suis contente qu’elle se confie autant, partager ce moment avec elle et lui dire des mots doux. Aurions-nous eu l’opportunité d’avoir cet long échange dans la vie « normale » ?

Je suis tellement fière de les voir grandir ainsi, à une vitesse incroyable. Elles ont chacune leur caractère et différences qui s’affirment en grandissant. Et sans aucun doute, ce voyage, cette expérience, nous rapproche, intensifient nos liens et nos sentiments.

Le capitaine est un peu fatigué. Il ne le dit pas bien sûr mais je le vois.. Il a du mal à se reposer vraiment, à lâcher prise. Liv réclame un confit de canard depuis plusieurs jours, rêve exaucé par Christophe qui se met aux fourneaux et fera ensuite une grosse sieste bien méritée.

L’après-midi nous jouons à quelques jeux de société puis je décide de faire soirée pizza ! Elle est loin notre traversée périlleuse du Golf de gascogne, qui aurait cru que quelques semaines plus tard je me lancerais dans une telle mission ? Comme quoi tout passe, nous nous amarinons, et le bercement des vagues finit par devenir notre normalité. Nos corps sont incroyables.

Ce soir nous regardons le diner de cons. Les enfants finissent vite dans la salle 2, avec Justine et Thomas, pour regarder l’âge de glace.

Il n’y a plus cette odeur de terre tiens. Nous gardons le cap vers Sal, avec le vent arrière toujours limite à 150/160 degrés. C’est juste juste mais ça passe. Nous avons pris un ris en fin de journée car le vent devait forcir dans la nuit. Mais pour l’instant rien….

Il y a du monde sur notre trajectoire ce soir, notamment un banc de bateaux face à nous à l’arrêt sur 50 000 miles de large, flippant de nouveau ! Un autre bateau est devant nous, il serait à 3 nœuds et nous perdons régulièrement sa signalisation. Il va falloir être vigilent.

J5 – Ca a bien bougé cette nuit, c’était prévu…. Vivement l’arrivée que tout le monde retrouve son lit quand même 😉

La houle a beaucoup augmenté et est tellement saccadée… Si on avait eu ces conditions au départ, cela aurait été très compliqué. Cette fois on tient tous les coups très bien. On continue nos journées à base de lecture, jeux, films d’enfance… Le vent a bien augmenté à 25 nœuds de moyenne, nous troquons le génois pour la trinquette.

Le soir nous décidons de faire une omelette aux pommes de terre, tout simple mais on est 4 adultes pour la faire étant donné les mouvements du bateau. La mission est compliquée, je regrette de ne pas avoir choisis de faire des sandwichs ! Liv nous a filmé, la scène vaut le détour car rien ne bouge sur le film, nous faisons juste la cuisine très bizarrement J

Le bateau avance bien mais la houle nous ralentit. C’est la première fois que nous assistons à cet effet « surf ». Les vagues arrivent de derrière et le bateau surf, accélère puis ralentit… L’arriée des immenses vagues à l’arrière est très impressionnant. Les enfants passent l’après-midi à s’extasier depuis la banquette arrière. Beaucoup de poissons volants arrivent sur notre bateau depuis hier, Soren est déçu de ne pas les manger ! Nous aurons une pointe à 17 nœuds dans la soirée.

Nous devrions arriver demain matin, j’ai vraiment hâte de voir la terre. On aura fait 1/3 de transat, chaque nouvelle navigation est un challenge qui nous pousse à nous dépasser. Ce soir je me demande comment je vais tenir 15 jours, mais je sais que nous allons le faire !

La nuit est compliquée, très mouvementée, mais calme au niveau navigation, aucun bateau à l’horizon. Je pense à nos copains partis uniquement en couple pour cette traversée, je me dis que ce doit être long, fatiguant et stressant, mais quel challenge de faire cela en couple !

 J’avais essayé de mettre Soren dans sa cabine mais ce sera l’échec. Liv aura essayé d’y dormir mais pareil ça bouge et tape trop. La cabine des enfants est la seule située en bas dans la coque. Je n’y avais pas pensé avant mais les cabines en plein pied et le carré qui se transforme en coin nuit dans le trimaran c’est vraiment un énorme point fort comparé à un catamaran cela tape beaucoup moins.

Ca y’est on aperçois la terre ce matin !